Le bagage de vie de Véronique Sanson
En dehors de la musique, il était fait d’une joie de vivre incroyable qui avait régné à la maison. Et de valeurs fortes que mes parents incarnaient et avaient eu à cœur de nous transmettre, à ma sœur et moi. La liberté avant tout. Et donc l’esprit de rébellion et de résistance. On ne doit subir le joug de qui ou de quoi que ce soit, travail ou compagnon. On ne courbe pas l’échine, et l’on garde la tête haute, menton relevé. Quant aux passions, il serait fou d’y renoncer. Il faut parvenir à les assouvir et aller jusqu’au bout de ses rêves. Les regrets, c’est pour la tombe !
Le Monde.fr 5 février 2017
Michel Fugain : le corps, la tête, la voix
Pourquoi les jeunes rêvent-ils tous de faire partie de ce pourcentage infime de la population qui a la charge de faire rêver, rire, de distraire, d’émouvoir ?
Parce qu’ils sentent que c’est un privilège, oubliant que ce privilège implique des devoirs : le savoir-faire qui nécessite de nombreuses répétitions et un travail acharné pour que la technique ne se fasse pas sentir.
Tu veux bouger, danser ? Alors travaille ton corps. Il a pris toutes les mauvaises habitudes possibles entre les attitudes étudiées et les involontaires, souvent dues à des complexes physiques ou mentaux. Tu ne les vois pas, ces défauts, puisque tu vis avec et pourtant, ils sont autant de barrages qui empêchent de laisser sortir ce qu’un public est en droit d’attendre de toi.
Tu veux parler, jouer, dire ? Alors travaille ta tête. C’est dans ta tête que ça se passe. Si ton cerveau est clair, ta bouche énoncera clairement. Expulse de ton cerveau, ton meilleur ami et ton pire ennemi, les a priori, les certitudes, les scories qui y traînent peut-être depuis la maternelle ou que tu as, sans forcément le vouloir, copié-collés de ton environnement familial.
Il faudra te débarrasser de l’idée même que tu te fais de ta voix, la redécouvrir telle qu’elle est. N’oublie pas que ton empreinte vocale, de la même manière que tes empreintes digitales, est unique au monde.
Tu es unique au monde. Il n’y a aucune raison valable pour que ce que tu émets ressemble à quelque chose d’existant. Si c’est le le cas, c’est que tu imites ou que tu te caches. Les imitateurs sont des usurpateurs, sympathiques certes, mais ils se planquent et ne seront jamais que des embusqués. L’embusqué n’avance pas, il attend celui qui marche.
Michel Fugain Des rires et une larme, 2007, p373-374
Michel Fugain : le rôle d’un artiste
Je suis le fils de Pierre Fugain. Comme je l’ai vu faire toute sa vie, je tente de résister, de combattre, de pourfendre l’inexorable rouleau compresseur qui veut écraser, aplatir, aplanir l’électroencéphalogramme d’un peuple pour mieux lui vendre des tonnes de camelote ou en faire un obscur numéro dans une fourmilière. C’est tout.
Dans ma symbolique personnelle, je n’ai vu, ce soir-là, que des saltimbanques devenus les fers de lance, les agitateurs, les catalyseurs d’une population qui, derrière eux, s’était déroutée, exprimée, et peut-être défoulée pendant quelques mois.
Je suis persuadé que c’est exactement notre rôle d’artistes et ce qu’attend de nous, en retour, le peuple qui nous a secrétés.
Michel Fugain Des rires et une larme, 2007, p353
Michel Fugain : animateur ou professeur
J’insiste sur le fait que nous étions des « animateurs », mot dérivé de « anima », âme en latin, et sûrement pas des professeurs.
Un professeur enseigne. On n’enseigne pas à un artiste à être artiste. Il l’est ou il ne l’est pas. S’il l’est, on ne peut que l’aider à sortir de lui ce qu’il a de meilleur, à utiliser de la manière la plus efficace son talent et son inspiration, à s’épanouir.
Mais lui seul possède les matériaux de base. Il n’y a pas de règles dans nos métiers puisqu’il y en a autant que d’artistes. Ce qui marche pour l’un ne marchera pas pour un autre et inversement.
Michel Fugain Des rires et une larme, 2007 p373
Jacques Brel et le mouvement
« En mouvement…
déjà quand j’avais 10 ans, j’étais comme ça.
J’ai jamais pu écrire assis, par exemple.
J’écris debout, enfin, comme ça : des petits bouts de papier partout. Il faut que je bouge.
Dès que je reste immobile, je m’ennuie. »
Brel, la vie à mille temps
« Il n’y a que les gens totalement immobiles et qui ne font jamais rien et qui arrivent à traverser la vie en disant que tous les autres sont des cons.
Dès que l’on fait les choses, on devient d’une humilité fantastique. Dés que l’on va voir, on n’a plus peur. »
« Quand on fait beaucoup de choses, on a l’air secret, parce que l’on est en mouvement. »
Radioscopie, entretien avec Jacques Chancel, 1973
Jacques Brel : voir la vie telle qu’elle est
« La folie suprême n’est-elle pas de voir la vie telle qu’elle est, et non telle qu’elle devrait être ?
C’est ça qui est important ! »
Brel : La vie à mille temps
Production : Institut National de l’Audiovisuel – La Sept/Arte – 1995
Réalisation : Claude-Jean Philippe
Léonard Cohen et l’écriture
Chez Léonard Cohen, l’écriture de chansons ne commence pas par une idée, mais par une image :
« Ma manière de procéder est la suivante : je découvre la chanson et découvre de quoi elle parle en l’écrivant. Chaque chanson commence avec le vieux sentiment d’urgence que l’on éprouve devant la nécessité de se délivrer, de se sauver soi-même. Cette nécessité ronge terriblement l’esprit.
Ce que la chanson raconte n’est pas du tout évident au départ. »
Léonard Cohen, l’homme paradoxe, par I. Nadel
Léonard Cohen et le zen
La vie de Léonard Cohen incarne une des grandes idées du zen voulant que l’harmonie avec l’univers ne puisse se réaliser que lorque l’on permet à chaque événement de se produire librement et spontanément.
Cet aspect du zen, qui veut que chaque expérience prenne contact avec l’absolu, fait partie du koan de Mu.
La carrière de Léonard Cohen a toujours été caractérisée par trois éléments : mouvement, changement et réinvention. Il a adopté des positions variées dans l’espoir de découvrir un point de vue d’où il pourrait poursuivre sa quête du kensho, cet état qui permet de voir la véritable nature des choses.
La discipline, l’intégrité, l’esprit et la générosité – tous ingrédients du zen – sont les composants essentiels du lexique de Léonard Cohen
Léonard Cohen, l’homme paradoxe, par I. Nadel
Jacques Higelin : Créer, c’est tâtonner
« Dans amateur, il y a le mot amour.
C’est vrai, je suis un amateur, de musique, de danse, de folie, de vie.
Mon spectacle, c’est pas Hollywood. Il y a des moments où tout le monde a la grâce, d’autres où ça traîne un peu en longueur. Ça dépend des soirs.
Au fur et à mesure, on peaufine, on corrige, c’est le public qui nous apprend.
Les trucs parfaits de A à Z, tu n’as qu’à rester assis et admirer. Je refuse de souscrire à cette époque qui veut que tout soit réglé au quart de tour, impeccable.
Créer, c’est tâtonner, chercher, se prendre parfois les pieds dans le tapis. »
Télérama n°1670
Alain Souchon et la consommation
À un animateur de télévision qui remarque, sagace
« Tu n’es pas fou amoureux de la société de consommation », Alain répond et enfonce le clou, au cas où on l’aurait mal compris : « Non, et je crois même que cette crise, c’est une bonne crise. C’est un drame pour les gens qui fabriquent les choses et qui dirigent le pays, mais nous on achète moins d’objets, de gadgets, d’idioties, c’est ça le truc : c’est une espèce de petite révolution pour moi, car tout ici est basé sur le fait qu’il faut qu’on achète… Il faut remettre l’homme là où il doit être, lui donner une morale. Toute idéologie est impossible à appliquer. C’est triste de se dire que les hommes qui réfléchissent ne parviennent pas à appliquer leurs concepts. Ils sont obligés de subir cette espèce de jungle molle du monde de l’argent. »
Alain Souchon Le rebelle en douce par Richard Cannavo
Jacques Higelin : J’adore le bordel, la vie, quoi !
« Le moment de plus intense émotion, c’est sur la scène, même dans un café, ou même jouer dans la rue.
Ou bien tous les événements de contact direct avec les gens, ça c’est magnifique.
Moi ça me fait vibrer, vraiment, parce que c’est des gens très différents que j’ai devant moi quand je fais un concert.
Et chaque personne est capable de faire quelque chose que je ne sais pas faire.
Donc, chaque fois, j’ai du respect aussi, pour ça. »
France Inter, 29.11.2006
Claude Nougaro : ma voix, c’est mon chemin
Moi le port, c’est la scène, puisque mon métier, j’en ai fait celui de chanteur.
Alors là quand je chante, là, je sens qu’il y a quelque chose de plus fort que moi qui se passe, qui se place, en effet, dans l’espace.
C’est ma voix, et la vie qu’elle véhicule.
Comme dans le français le plus mystérieusement, le mot voix ’X’ correspond au mot voie ’E’, le chemin.
Et ma voix, c’est mon chemin.
Claude Nougaro
Une fiction musicale
www.nougaro.com